Des travailleuses sur tous les terrains

Des travailleuses sur tous les terrains

Les femmes sont plus exploitées encore par la collectivité masculine en tant que femmes qu’elles ne le sont par le capital en tant que productrices. Et sans sortir du monde ouvrier, la preuve m’en est facile à faire car la plus criante injustice qui frappe la travailleuse – ouvrière, employée ou fonctionnaire – est cette inégalité de salaire pour un même travail que chacun peut constater. Or cette injustice vise non plus la productrice, mais la femme.

Hélène Brion, La Voie féministe, 1916

Dans un département rural comme la Dordogne, les femmes complètent souvent leur travail à la ferme par du travail à façon à domicile, source de liquidités monétaires. Au XIXe siècle, l’essor de la mécanisation ouvre aux femmes le monde de la fabrique. Là encore, la place des femmes n’est pas choisie mais déterminée par l’adage : « Aux hommes le bois et les métaux, aux femmes les tissus ».

Tableau du nombre des établissements industriels qui occupent des enfants et du nombre des ouvriers des deux sexes de tout âge qui y sont employés. 10 M 1
Tableau du nombre des établissements industriels qui occupent des enfants et du nombre des ouvriers des deux sexes de tout âge qui y sont employés. 10 M 1

Des ouvrières anonymes

Les archives ne permettent guère de retracer les parcours féminins individuels. Les femmes apparaissent uniquement quand l’administration doit légiférer (temps de travail, horaires) ou régler des conflits de travail. Ces derniers permettent d’appréhender le quotidien précaire de ces ouvrières.

Lettre du directeur du service des tabacs au Préfet, à propos du licenciement de six ouvrières de Saint-Cyprien, 6 juin 1932. Il expose les tâches effectuées, la brièveté de leurs contrats (4 à 6 mois). 10 M 18 1 2
Lettre du directeur du service des tabacs au Préfet, à propos du licenciement de six ouvrières de Saint-Cyprien, 6 juin 1932. Il expose les tâches effectuées, la brièveté de leurs contrats (4 à 6 mois). 10 M 18

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« Mais lorsque les ouvrières sont convoquées au début de janvier de chaque année, on leur rappelle qu'elles sont recrutées à la journée et qu'elles seront licenciées sans préavis lorsque leur présence sera devenue inutile et sans indemnité de licenciement ».

🔈 Brigitte Mounier : les femmes dans l’imprimerie

Brigitte Mounier, imprimeuse depuis 1976, raconte son expérience de femme dans un monde d’hommes : travail physique, longues journées de travail, locaux inconfortables, salaire inférieur. Brigitte Mounier insiste aussi sur le regard pesant porté par les hommes : elle est constamment obligée de « faire ses preuves ».


Affiche, préfecture de la Haute Vienne, travail et prévoyance sociale, salaire des ouvrières à domicile dans l’industrie du vêtement. 10 M 7

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les employés constituent en France un groupe relativement restreint et essentiellement masculin. Puis le développement de l’administration de l’État, l’apparition de nouveaux moyens de communication, la diversification de l’économie permettent aux femmes d’investir de nouveaux secteurs d’activité (administrations, entreprises…). Commence ainsi la lente féminisation des emplois du tertiaire.

Nomination de Mlle Belair comme garçon de bureau à la sous-préfecture de Nontron, juillet 1919. 2 Z 49 1 4
Nomination de Mlle Belair comme garçon de bureau à la sous-préfecture de Nontron, juillet 1919. 2 Z 49
Liste du personnel de la préfecture, 1940. 1 W 3 2 4
Liste du personnel de la préfecture, 1940. 1 W 3
Marbot, femmes et formes. 66_912 3 4
Marbot, femmes et formes. 66_912

L’industrie de la chaussure s’implante à Neuvic à la fin du XIXe siècle. Vers 1940, plus de 400 employés dont de nombreuses femmes produisent près de 2000 paires dans l’usine Marbot. 

Notre bulletin n°100, p. 3. REV 762 4 4
Notre bulletin n°100, p. 3. REV 762

Certaines ouvrières comme Amélie Lautrette ont vu leurs vies à jamais liées au nom de Marbot : lors de son départ à la retraite, le journal de l’entreprise évoque, sur un ton quelque peu paternaliste, sa « longue vie de travail honnête et consciencieux ».

Vendeuses et caissières

Les femmes sont depuis très longtemps présentes dans les commerces ou les boutiques, familiaux ou non. Elles apparaissent cependant peu dans les archives publiques : « femmes de… », elles s’affairent aux côtés de leurs maris artisans ou commerçants. Les XIXe et XXe siècles entraînent un renouvellement de ces emplois : les grands magasins puis les supermarchés ont recours à une main d’oeuvre majoritairement féminine.

Fête des fraises à Rossignol, 1957. 17 Fi 20 1 2
Fête des fraises à Rossignol, 1957. 17 Fi 20
Aux caisses de Monoprix à Périgueux, 1957. 17 Fi 160 2 2
Aux caisses de Monoprix à Périgueux, 1957. 17 Fi 160

Femmes de clavier

Dès le XIXe siècle, l’administration emploie des femmes : d’abord auxiliaires et payées à la journée, elles apparaissent ensuite durablement dans les organigrammes des bureaux et sont recrutées sur des postes plus techniques liés à la mécanisation du travail (machines à écrire, téléphone, télégraphe…). Après la Seconde Guerre mondiale, la tertiarisation des économies donne aux femmes une place toujours plus grande dans les bureaux.

L’école Pigier à Périgueux, 1962. 52 Fi 493-8 1 2
L’école Pigier à Périgueux, 1962. 52 Fi 493-8
14 Fi 1955_102_002 2 2
14 Fi 1955_102_002

état nominatif des débitants de boissons, 4ème trimestre 1867. 4 M 92

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