Femmes militantes

Femmes militantes

« L’on a proclamé les droits de l’homme, mais l’on a imposé des devoirs à la femme sans lui reconnaître aucuns droits. Les lois nouvelles ont sanctionné le passé en condamnant la femme à une humiliante servitude, et pour pallier l’injustice de ces lois on accuse la femme de faiblesse et d’incapacité morales. »

Jeanne Deroin, Lettre adressée au journal Le Globe, 1831-32

Exister dans l’espace public n’est pas chose facile pour les femmes, vouées traditionnellement à la sphère privée. Pourtant, à partir de la fin du XIXe siècle, nombreuses sont celles qui bravent l’interdit et tentent d’agir. Portées par les espoirs suscités par la IIIe République, certaines n’hésitent pas à faire grève ou à manifester de manière ponctuelle tandis que d’autres militent dans les syndicats pour défendre l’amélioration de leurs conditions de travail.

Pionnières du syndicalisme

Si l’action des femmes dans la sphère publique, souvent collective, est difficile à identifier dans les archives publiques, il est cependant possible de pointer des trajectoires individuelles de manifestantes, telle Andrée Vachet. Employée à la poudrerie de Bergerac, elle participe au mouvement de grève en 1917 ; désignée comme meneuse par les autorités, elle est licenciée et même emprisonnée 20 jours pour entrave avec violence à la liberté du travail.

Courrier du 9 juin 1917 du général Bertaux, 1ère page. 10 M 20 1 2
Courrier du 9 juin 1917 du général Bertaux, 1ère page. 10 M 20
Courrier du 11 juin 1917 du sous-préfet de Bergerac . 10 M 20 2 2
Courrier du 11 juin 1917 du sous-préfet de Bergerac . 10 M 20

Militantes

La loi Waldeck-Rousseau (1884) ouvre la porte à une nouvelle forme d’engagement : le syndicalisme. Faute de sources autres que des relevés numériques, les parcours de militantes sont difficiles à tracer. Les comptes rendus de séances syndicales montrent que si les femmes sont syndiquées, elles n’intègrent que rarement les structures de direction.

Fiche de renseignements sur le syndicat de la chaussure, 26 janvier 1937. 10 M 37
Fiche de renseignements sur le syndicat de la chaussure, 26 janvier 1937. 10 M 37

Affiche ceux qui n’ont pas le droit de voter, 1909-1931. 11 Fi 77

Les femmes exclues du droit de vote

En 1875, l’instauration d’un régime démocratique et républicain rend plus criante l’exclusion politique des femmes. Reprenant le combat des femmes de 1848, certaines décident de faire entendre leur voix. Militantes, multipliant les écrits, les pétitions ou les réunions publiques, les suffragettes revendiquent une participation aux élections, mais sans résultat jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la question du droit de vote des femmes entre dans le débat politique. Si, en mai 1919, la Chambre des députés accorde aux femmes le droit de voter et d’être éligibles, le Sénat repousse cette proposition de loi en 1922. Le même scénario se répète à trois reprises (1932, 1935, 1936). Dans d’autres pays, dès 1917 en Russie, les femmes ont obtenu ce droit : Luxembourg en 1919, États-Unis en 1920, Royaume-Uni en 1928.

L’Avenir de la Dordogne, 23 novembre 1922.

L’Avenir de la Dordogne, 4 juin 1936.


Militer pour le droit de vote

Loin de s’avouer vaincues, des femmes militent en Dordogne pour le droit de vote. Entre 1922 et 1934, les archives mentionnent de nombreuses réunions féministes, surveillées de près par les pouvoirs publics : les participantes sont nommées et leurs discussions scrupuleusement retranscrites.

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Bulletin d’adhésion à l’Union française pour le suffrage des femmes. 4 M 199

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Rapport de police concernant une conférence donnée par Cécile Brunschvicg,
présidente de l’Union française pour le suffrage des femmes, à Périgueux le 2 décembre 1922. 4 M 199

Dans la première moitié du XXe siècle, malgré l’exclusion des femmes du droit de vote, quelques-unes, certes peu nombreuses, investissent pourtant le terrain politique par le biais de l’action militante.

Femmes engagées

Les réunions organisées par les différents partis sont le lieu idéal pour s’informer, voire exprimer et défendre des idées. Les comptes rendus de la police mentionnent la présence régulière de quelques dizaines de « dames ». Certaines, plus hardies, prennent même la parole : le 15 août 1926, lors d’une réunion du parti communiste, « la dame Senillac » exhorte ses consœurs à ne pas se désintéresser de la politique et à demander l’égalité salariale.

Extrait d'un compte-rendu d’une réunion du parti communiste, 16 août 1626. 4 M 193
Extrait d'un compte-rendu d’une réunion du parti communiste, 16 août 1626. 4 M 193

1936 et la désillusion

Dix ans plus tard, le Front Populaire, coalition des partis de gauche, constitue un nouveau rendez-vous politique manqué pour les femmes. Malgré la présence de trois d’entre elles, dont la Périgourdine « Suzon » (Suzanne Lacore), en qualité de sous-secrétaires d’État dans le gouvernement de Léon Blum, la cause féminine n’a pas pour autant sa place dans le débat politique. Pire, les quotidiens départementaux de toute tendance ridiculisent les actions menées par ces « ministresses »…

Liste des membres de la commission exécutive du parti socialiste, 3 décembre 1913. On voit en bas : "Suzon, institutrice à Ajat" 1 2
Liste des membres de la commission exécutive du parti socialiste, 3 décembre 1913. On voit en bas : "Suzon, institutrice à Ajat"
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Suzanne Lacore. Doc Arch 40-02

Consultez la fiche portrait de Suzanne Lacore

"Au Pays des circulaires", La Croix du Périgord, 19 juillet 1936. PRE 34

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