L’épuration

L'épuration

Dès la libération une forte demande de justice est exprimée par la population comme par les autorités, qui organisent le contrôle judiciaire de l’épuration.

L’épuration, qui consiste à réprimer les actes de collaboration avec l’ennemi, se manifeste dès 1943 par des exécutions sommaires commises par la Résistance. À la Libération elle est assurée par des juridictions d’exception : la Cour martiale, puis le Tribunal militaire, la Cour de justice et la Chambre civique.

Les exécutions sommaires

Bertinot-Brunschwig à Tamniès

Parmi les premières exécutions de 1943 figure celle de Pierre Brunschwig et René Bertinot, des membres très actifs du Parti populaire français de Jacques Doriot (PPF). Le 17 octobre 1943 une équipe du groupe Mireille de l’Armée secrète exécute les deux hommes à leur domicile de Tamniès. Marguerite Bertinot, agent de renseignement des autorités militaires allemandes et de Jean de Beaumont, l’un de leurs auxiliaires, échappe à cette exécution et quitte aussitôt la Dordogne.

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Rapport de la police de sûreté de Limoges au sujet de l’assassinat de René Bertinot et Pierre Brunschwig membres du Parti populaire français (PPF), en date du 23 octobre 1943. (2114 W 7)

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Note du préfet de la Dordogne au Secrétaire général à la police à Vichy au sujet de l’enlèvement de Jean de Beaumont, 22 décembre 1943. (1 W 1789)

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Note d’information du préfet au Secrétaire d’État à l’Intérieur et au préfet régional sur la découverte du corps de M. Jean de Beaumont, 26 janvier 1944. (1 W 1789)

De Beaumont à Saint-Chamassy

Jean-Marie Bonnin de la Bonninière de Beaumont est enlevé par la Résistance à Saint-Chamassy le 21 décembre 1943 au soir. Membre du Parti populaire français (PPF) et administrateur de biens juifs, il est en relation étroite avec les autorités allemandes sous le pseudonyme de Paul Bru. Contre rémunération il livre une grande quantité d’informations sur les ateliers de fabrications clandestines du réseau « Camouflage du matériel » ainsi que des renseignements sur des Juifs et des gaullistes. Son corps est retrouvé le 19 janvier 1944 à Salles-de-Belvès.

Enlèvement et exécution de l’amiral Platon

Natif de Pujols-sur-Dordogne (Gironde) l’Amiral Charles Platon s’engage en politique aux côtés du maréchal Pétain en septembre 1940 en qualité de secrétaire d’État aux colonies. Il se range parmi les partisans d’une collaboration militaire étroite avec l’Allemagne, en opposition à Pierre Laval. Président de la Commission spéciale des sociétés secrètes chargée de lutter contre la franc-maçonnerie, il fait preuve d’un grand zèle qui lui vaut d’être remplacé. Progressivement écarté, il est remis à disposition de la Marine en janvier 1943. En mai 1943 il est interné administrativement dans sa demeure de Pujols-sur-Dordogne. Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944 des Francs-tireurs et partisans français (FTPF) l’enlèvent à son domicile. Plusieurs fois déplacé, l’Amiral Platon est finalement conduit dans la région de Montignac. Jugé et condamné à mort par la Résistance le 24 juillet 1944, il est exécuté le 28 août à Valojoulx. (Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l'article de Ch. Dutrône dans la revue Mémoire de la Dordogne n°28, p. 34 à 53)

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Rapport de la brigade de gendarmerie de Gensac au sujet de l’enlèvement de l’amiral Platon, le 22 juillet 1944. (1 W 1787)

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Enlèvement et exécution du commissaire des Renseignements généraux de la Dordogne

Le 25 septembre 1944 le préfet demande une enquête auprès du commandement des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et du service des Renseignements généraux au sujet de la disparition du commissaire Picaut. L’enquête permet de déterminer que ce dernier, chef du service des Renseignements généraux de la Dordogne depuis le mois de mars 1944, a été arrêté le 20 août par le Service d’ordre patriotique (SOP) sur l’ordre de son chef, le capitaine Doublemètre (André Urbanovitch). Il est conduit le jour-même à Rouffignac en compagnie de Tomasi, chef de la Milice. Le 21 juillet 1945 la brigade de gendarmerie de Belvès constate la découverte du cadavre du commissaire Picaut à Salles-de Belvès.

État numérique des exécutions sommaires

Le 14 janvier 1948 le ministre de l’Intérieur demande aux préfets un état numérique des exécutions sommaires. Le préfet de la Dordogne fait établir ce document le 14 février 1948 : 568 exécutions sommaires sont dénombrées.

Cependant, les travaux menés en 1992 par Marie-Thérèse Viaud sur l’épuration en Dordogne recensent entre 382 et 416 victimes d’exécutions sommaires de 1943 jusqu’à la Libération.

L'article de Marie-Thérèse Viaud est consultable aux Archives (REV 810), et en ligne sur le portail Persée : L'épuration en Dordogne - Persée

À la Libération, les femmes tondues

L’épuration prend un caractère vengeur et humiliant avec la tonte de femmes suspectées de collaboration. À Périgueux, des femmes sont rassemblées sur un camion puis débarquées devant l’ancien théâtre pour y être tondues.

L’organe du Comité de libération de la Dordogne, Les Voies nouvelles, publie dans l’édition du 4 janvier 1945 un épisode des aventures en bande dessinée de trois maquisards. Le récit peu subtil de la tonte de femmes collaboratrices démontre que ce châtiment humiliant est encore considéré comme légitime plusieurs mois après la libération.

Dès le mois de juillet 1944 de nombreuses arrestations sont menées par le Service de renseignement (SR) des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et le Service d’ordre patriotique (SOP).

André Urbanovitch, dit « Doublemètre » est né en 1910 dans l’empire Austro-hongrois (aujourd’hui la Serbie). Il fait ses études à Paris en 1930 puis arrive en Dordogne en 1941 et rejoint les Francs-tireurs et partisans français (FTPF) en 1943. Le 20 août 1944 il crée à Périgueux le Service d’ordre patriotique (SOP) et se dit chargé de l’épuration en Dordogne, jusqu’à la dissolution de ce service le 15 novembre 1944. Plusieurs exécutions sommaires lui sont reprochées, dont celle du commissaire Picaut (voir plus haut). En 1948 il est arrêté à Paris sur mandat du tribunal militaire de la Seine. Il est libéré et bénéficie d’une loi d’amnistie de 1953. Il est par ailleurs suspecté d’appartenir au NKVD, le service de renseignement soviétique (ancêtre du KGB).

Ordre d’écrou signé du capitaine « Doublemètre », le chef du Service d’ordre patriotique (SOP).

6 W 13

Le 24 août 1944 une délibération du conseil municipal de Périgueux, décidée en accord avec le comité local de libération, fait état de l’émotion suscitée par les « conditions dans lesquelles de nombreuses arrestations ont été et sont encore effectuées ». Il est demandé que des mesures soient prises pour « écarter toutes causes d’erreur ». Un extrait de cette délibération est adressé au préfet de la Dordogne dès le 25 août en appelant son attention de manière très pressante.

En ce début du mois de septembre 1944 la confusion règne parmi la population, entre désir de justice et crainte d’une épuration violente. Des rumeurs font alors état de plus de 3000 arrestations. Le préfet de la Dordogne fait publier un communiqué dans la presse (Les Voies nouvelles du 7-8 septembre 1944) pour mettre un terme à la rumeur : il précise que 293 arrestations ont été effectuées à Périgueux à la date du 28 août 1944.

Le 19 octobre 1944 le préfet déplore les arrestations et exécutions arbitraires menées par les Forces françaises de l’intérieur (FFI). Il rappelle fermement au commandement départemental des FFI que les arrestations et exécutions doivent être menées dans la légalité, suivant les instructions précises des autorités. Le préfet fait notamment référence à l’instruction sur la conduite des opérations d’épuration du 5 septembre 1944 (voir plus bas).

Les tribunaux d’exception

Des juridictions exceptionnelles sont instituées afin que la justice soit rendue dans le respect de l’ordre républicain. Des cours martiales sont créées immédiatement à la Libération puis la Cour de justice et la Chambre civique leur sont substituées au mois d’octobre 1944.


La Cour martiale

La Cour martiale est la première juridiction d’exception à fonctionner au moment de la Libération. Elle est instituée par un arrêté du commissaire de la République de la région de Limoges le 5 septembre 1944. Juridiction militaire des Forces françaises de l’intérieur (FFI), elle a pour but de juger rapidement les faits graves de collaboration afin d’éviter les règlements de compte. La Cour martiale siège à Périgueux du 7 septembre au 21 octobre 1944 : 25 sessions voient 172 personnes comparaître, dont 64 femmes. 33 personnes sont condamnées à mort dont 2 femmes (32 condamnations sont suivies d’exécution). Ses jugements sont contestés après-guerre et souvent révisés.

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Arrêté du commissaire de la République de Limoges portant création de cours martiales pour la région de Limoges. L’article 3 prévoit que les cours martiales « connaîtront des crimes prévus par les articles 75 à 86 du code pénal », c’est-à-dire la trahison et l’intelligence avec l’ennemi.

1 W 1856-2

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Le 5 septembre 1944, l’État-major des Forces françaises de l’intérieur pour la région 5 fait parvenir ses instructions pour la conduite des opérations d’épuration. Outre les conditions de perquisition et d’arrestation, on note la création d’une commission de sécurité militaire qui a pour objet de recueillir des renseignements sur les individus suspects. De plus les types de peines prononcées sont définies et un dispositif d’exécution des condamnés est prévu au point numéro 6.

1 W 1856-2

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Une note du 4 septembre 1944 prévoit déjà la composition des diverses commissions et du Tribunal militaire créés à Périgueux. La répartition entre les Francs-tireurs et partisans français (FTPF) et le Comité français de Libération (CFL) est fixée.

1 W 1856-2

Le 9 septembre 1944, le commissaire de la République rappelle aux préfets de la région de Limoges « la grave responsabilité » qui leur incombe : en effet ces derniers sont chargés de déférer les accusés devant la Cour martiale. Le commissaire de la République demande également aux préfets d’examiner les dossiers avec soin avant un renvoi devant la Cour martiale et qu’il lui soit rendu compte tous les quinze jours.

1 W 1856-2

La presse publie régulièrement les condamnations de la Cour martiale. Dans son édition du 8 septembre 1944, La Dordogne libre fait le récit de la première audience. 

380 PRE 1


La Cour de justice

L’ordonnance du 26 juin 1944 institue les cours de justice afin de réprimer les faits de collaboration. Dès leur création, les cours martiales sont dessaisies et doivent cesser de siéger. La Cour de justice siège à Périgueux du 6 novembre 1944 jusqu’au 4 août 1945. Elle juge 467 affaires et prononce 122 condamnations à mort, dont 79 par contumace et 12 suivies d’exécution. La Cour de justice de la Dordogne est dissoute le 7 août 1944 et les affaires sont alors jugées par la Cour de justice de la Gironde.

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L’article premier de l’ordonnance du 26 juin 1944 fixe l’objet de la Cour de justice : « juger les faits commis entre le 16 juin 1940 et la date de la libération (…) lorsqu’ils relèvent l’intention de leurs auteurs de favoriser les entreprises de toute nature de l’ennemi ». L’article 5 stipule clairement que les juridictions militaires sont dessaisies au profit de la Cour de justice.

1168 W 19

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Le 22 septembre 1944 le garde des Sceaux adresse un télégramme aux commissaires régionaux de la République pour suspendre l’activité des cours martiales, afin d’y substituer les cours de Justice. Ce télégramme est transmis le 26 septembre 1944 au préfet de la Dordogne.

1 W 1856-2

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Le 29 septembre 1944 le vice-président du tribunal de Première instance de Périgueux alerte le préfet de la poursuite des travaux de la Cour martiale le 28 septembre 1944, malgré l’ordre de suspension des tribunaux militaires.

1 W 1856-2

Création de la Cour de justice de la région de Limoges

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Le 26 septembre 1944, le commissaire de la République de la région de Limoges arrête la création d’une Cour de justice régionale comportant cinq sections dont une pour la Dordogne.

La cour de justice est une juridiction pénale qui fonctionne comme une cour d’assises, c’est-à-dire sans appel possible.

1 W 1856-2

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Les compétences de la Cour de justice de la Dordogne sont précisées par un télégramme commun des ministres de la Guerre et de la Justice le 10 novembre 1944. Transmis au préfet le 18 novembre 1944 par le procureur de la République, ce télégramme rappelle par ailleurs que la Cour de justice est la seule juridiction compétente en matière de collaboration. Dès lors les juridictions militaires doivent être dessaisies de ces affaires.

1 W 1856-2

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La Dordogne Libre du 7 novembre 1944 rend compte de l’installation de la Cour de justice de Périgueux. 

380 PRE 1


La Chambre civique

La Cour de justice possède une chambre spéciale, la Chambre civique, créée par l’ordonnance du 26 août 1944 afin de juger les collaborateurs dont les actes ne sont pas pénalement répréhensibles.

La Chambre civique de la Dordogne siège du 28 novembre 1944 au 30 juillet 1945. Elle condamne 177 personnes à la dégradation nationale.

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La Chambre civique réprime le crime d’indignité nationale pour des faits de collaboration, défini par l’ordonnance du 26 août 1944 modifiée par l’ordonnance du 30 septembre 1944. L’indignité nationale est prononcée pour l’adhésion à des organismes de la collaboration tels la Milice, le Service d’ordre légionnaire (SOL), le Parti populaire français (PPF) ou encore l’exercice de certaines fonctions. La condamnation à l’indignité nationale comprend notamment la privation du droit de vote et de tous droits civiques et politiques, l’exclusion de la fonction publique, la privation du droit d’enseigner ou encore de diriger une entreprise de presse (article 9).

1168 W 19

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La première audience de la Chambre civique se tient le 28 novembre 1944 (Les Voies nouvelles du 29 novembre 1944).

257 PRE 1

En mai 1947 une statistique des travaux de la Cour de justice de la Dordogne est dressée : 728 affaires ont été jugées par la Cour de justice et la Chambre civique.

Il est à noter que les chiffres varient quelque peu selon les rapports.

1168 W 19


Le tribunal militaire

Installé à Périgueux le 27 octobre 1944, le Tribunal militaire fonctionne jusqu’au 17 novembre 1944. Il prononce 48 peines de travaux forcés et 32 peines d’emprisonnement.

Le 28 octobre 1944 une note de service de l’État-major de la 12e région militaire rappelle les compétences des tribunaux militaires : ces derniers jugent les pillages commis en temps de guerre, les faits réprimés par le code de justice militaire et les actes de nature à porter atteinte au moral de l’armée et de la population. Cette note de service rappelle en outre que les cours de justice sont compétentes pour les faits de collaboration.

1168 W 19

À Périgueux un tribunal militaire est maintenu par un arrêté du ministre de la Guerre en date du 29 septembre 1944.

1 w 1856-2

Les jugements, dossiers des affaires et arrêts des juridictions exceptionnelles de la Libération en Dordogne (Cour martiale, Cour de justice et Chambre civique) sont conservés aux Archives départementales de la Gironde (sous-série 17 W). 

L’épuration administrative

Afin de disposer d’une fonction publique au service de nouvelles institutions à venir, le Gouvernement provisoire de la République française organise l’épuration administrative.

Une commission d’épuration est créée au sein du ministère de l’Intérieur afin d’examiner la situation des membres du corps préfectoral. Ces derniers sont invités à fournir par écrit des renseignements sur leur attitude politique et leurs actions depuis le 16 juin 1940. Le Comité départemental de libération émet un avis sur ces fonctionnaires avant l’examen par la commission d’épuration du ministère. Pour le personnel des collectivités locales, une commission d’arrondissement examine le cas de personnes qui font l’objet d’une mesure de suspension ou d’une plainte. Les sanctions sont appliquées par le préfet ou le sous-préfet.

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L’ordonnance du 27 juin 1944 relative à l’épuration administrative sur le territoire de la France métropolitaine prévoit les sanctions disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires qui ont favorisé les entreprises de toute nature de l’ennemi, contrarié l’effort de guerre, porté atteinte aux institutions constitutionnelles ou aux libertés publiques et tiré bénéfice matériel de l’application de règlements du régime de Vichy (article premier).

1 W 1902

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Le 10 octobre 1944 le ministre de l’Intérieur adresse aux préfets ses instructions relatives à l’épuration administrative. Il rappelle l’impérieuse nécessité de doter le pays d’une administration dévouée à son redressement. Fondée sur l’ordonnance du 27 juin 1944 relative à l’épuration administrative, la circulaire fixe les règles pour l’épuration des fonctionnaires du corps préfectoral, du personnel des préfectures et des services de police et des collectivités locales. Les sanctions disciplinaires sont notamment la révocation, le déplacement d’office, la rétrogradation ou encore la mise à la retraite d’office.

1 W 1865

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À la préfecture

Une commission d’épuration est créée à la préfecture de la Dordogne « pour examiner la situation des membres du personnel étatisé de la préfecture et des sous-préfectures ». Un arrêté du préfet en date du 20 novembre 1944 fixe la composition de cette commission. On relève notamment la présence d’Hugues Puyjarinet, chef de division à la préfecture : sous l’Occupation il délivre de fausses cartes grises pour le réseau Camouflage du matériel ainsi que de fausses cartes d’identités pour la Résistance et les israélites.

À la SNCF

Le personnel de la SNCF dispose de commissions spécifiques pour répondre à l’épuration administrative. Le ministère des Travaux publics et des transports nomme des commissions spéciales composées d’agents de la SNCF, chargées de rechercher les responsabilités encourues « à l’exclusion de toute autre juridiction ». Le 7 octobre 1944, le directeur général de la SNCF demande au commissaire de la République de Limoges de renvoyer « à l’examen de ces commissions toutes les plaintes (…) au sujet d’agents de la SNCF ».

Dans la police

Le 23 août 1944, la commission d’épuration du Comité départemental de libération adresse au préfet des propositions de nominations au sein de la police afin de combler « le départ de fonctionnaires ».

Dans l'enseignement

Le 6 octobre 1944, le ministre de l’Éducation nationale adresse au recteur de l’Académie de Bordeaux ses instructions sur l’épuration du personnel de l’enseignement. Un conseil d’enquête est créé dans chaque académie afin d’examiner le cas des fonctionnaires de l’enseignement dont les fautes sont définies par l’ordonnance du 27 juin 1944.

Statistique de l’épuration administrative en Dordogne

En 1946 une enquête sur l’épuration est demandée aux préfets par le ministre de l’Intérieur : un tableau dresse le bilan chiffré de l’épuration administrative en Dordogne. On relève 46 révocations de fonctionnaires.

Les municipalités provisoires

L’ordonnance du 21 avril 1944 prévoit l’organisation des pouvoirs publics en France après la libération : les conseils municipaux figurent parmi les premières institutions républicaines à rétablir. En effet, depuis la loi du 16 novembre 1940 instaurée par le régime de Vichy, le conseil municipal, le maire et les adjoints des communes de plus de 2000 habitants ne sont plus élus mais nommés.

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Avant de pouvoir procéder à des élections régulières, des municipalités provisoires sont installées. Les conseils municipaux dissous, les maires, adjoints et conseillers révoqués ou suspendus après le 1erseptembre 1939 sont rétablis (article 3 de l’ordonnance du 21 avril 1944). Des délégations spéciales sont nommées, sur avis du Comité départemental de libération. De nouvelles municipalités sont alors à installer en Dordogne.

1 W 1259-1

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Le 12 septembre 1944 le conseil municipal de Bergerac est dissous par le préfet de la Dordogne qui désigne aussitôt de nouveaux conseillers municipaux. Ceux-ci avaient été proposés dès le 26 août par le comité local de libération.

1 W 1244

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À Périgueux, après avoir délégué à titre provisoire Louis Feyfant dans les fonctions de maire le 25 août 1944, le préfet désigne un conseil municipal provisoire le 28 septembre 1944.

1 W 1246

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Des communes de moins de 2000 habitants ont pu voir leur conseil municipal remplacé par une délégation spéciale. À la Bachellerie le préfet prononce la dissolution de la délégation spéciale instituée par Vichy en novembre 1942 et désigne un conseil municipal provisoire le 28 septembre 1944. Le 17 octobre 1944 il désigne un conseil municipal provisoire à Couze-et-Saint-Front après avoir dissous la délégation spéciale de cette commune, instaurée en juin 1941.

1 W 1257 (la Bachellerie) 1 W 1252 (Couze)

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Le 16 octobre 1944 le ministère de l’Intérieur invite les préfets à accélérer le rétablissement des conseils municipaux ou la désignation de délégations spéciales en vue d’achever la réorganisation des institutions municipales à la fin du mois d’octobre 1944. On note que le ministère de l’Intérieur incite les préfets à mener une épuration sévère des conseils municipaux.

1 W 1259-1

Le 6 novembre 1944 le préfet de la Dordogne informe le commissaire de la République de l’installation de 486 municipalités au 1er novembre 1944, alors que 101 restent à installer.

1 W 1259-1

L’épuration économique et financière

La collaboration économique est également l’objet d’enquêtes et de poursuites. En effet, certaines entreprises et leurs dirigeants se sont mis au service de l’Occupant.

L’ordonnance du 16 octobre 1944 fixe des mesures restrictives d’activité professionnelle pour les personnes qui ont favorisé les entreprises de toute nature avec l’ennemi : elles encourent un déplacement d’office, la suspension, le licenciement ou encore l’interdiction de conserver un poste de commandement dans une entreprise. Pour instruire ces affaires, des comités interprofessionnels d’épuration sont créés.

1 W 520

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Une circulaire d’application en date du 11 décembre 1944 rappelle la portée de l’ordonnance du 16 octobre 1944. En effet, des difficultés d’interprétation en matière de sanctions sont apparues, lesquelles ne permettent pas d’appliquer l’ordonnance aux propriétaires d’entreprises et aux actionnaires : une ordonnance en préparation doit venir compléter la législation pour remédier à cela. Cette circulaire précise également la composition des comités régionaux interprofessionnels. En Dordogne des dirigeants d’entreprises sont l’objet d’enquêtes, notamment ceux de la société de l’Industrie du bois et du Fer (IBEF) à Mussidan qui a livré environ 500 baraquements aux Allemands, ou encore ceux de la Société nationale des constructions aéronautiques du sud-ouest (SNCASO) à Saint-Astier.

1 W 520

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Le Comité départemental de confiscation des profits illicites

Une ordonnance du 18 octobre 1944 prescrit la confiscation des profits réalisés du 1er septembre 1939 au 31 décembre 1944 « lorsqu’ils proviennent du commerce avec l’ennemi, du marché noir ou de toute autre spéculation illicite ». Dans chaque chef-lieu de département est institué un Comité départemental de confiscation des profits illicites composé du trésorier-payeur général, des directeurs des contributions directes, des contributions indirectes, de l’enregistrement, du contrôle des prix, des douanes et de trois représentants du Comité départemental de libération. Ce comité a le pouvoir de confisquer les profits illicites et d’infliger une amende qui peut atteindre le triple de ce profit.

Une circulaire d’application du commissaire de la République adressée au préfet de la Dordogne précise que les profits sont signalés aux comités de confiscation par les départements ministériels et les services publics. Cependant les comités peuvent se saisir d’office. Enfin, le commissaire de la République demande au préfet de lui transmettre les propositions pour la désignation des représentants du Comité départemental de libération.

Arrêté de nomination des membres du Comité départemental de confiscation des profits illicites de la Dordogne, le 20 novembre 1944.

1 W 1867

En juin 1946, le président du Comité de confiscation des profits illicites présente l’état de ses travaux : 393 affaires ont été présentées et plus de 94 millions de francs ont été recouvrés.

1 W 1867

Le mécontentement

Les condamnations des juridictions d'exception sont rendues publiques par voie de presse et, dès la fin de l’année 1944, la population et la presse expriment leur mécontentement quant aux peines prononcées.

Aux ateliers de la SNCF à Périgueux l’épuration du personnel provoque un vif mécontentement. Le 7 novembre 1944 une note de police adressée au préfet signale que les cheminots souhaitent une épuration totale de leurs cadres : ils regrettent que des « gradés » protègent certains de leurs collègues des mesures d’épuration.

1 W 1891

L’organe du Comité départemental de libération, Les Voies nouvelles, déplore dans son éditorial du 29 novembre 1944 que les juridictions d’exception ne condamnent que des « lampistes », alors que les véritables responsables seraient épargnés.

257 PRE 1

La Dordogne Libre du 29 décembre 1944 publie une motion des jurés de la Cour de justice. Ces derniers expriment leur étonnement quant aux condamnations : ils constatent en effet que des « miliciens notoires » sont relaxés alors que des exécutants sont plus durement condamnés. Les jurés expriment publiquement le sentiment de la population qui estime que les condamnations frappent de simples subalternes.

380 PRE 1

Le 7 janvier 1945, les comités locaux du canton de Sigoulès adressent leurs doléances au préfet de la Dordogne. Le comité local partage les inquiétudes de la population sur le redressement du pays, le ravitaillement et l’épuration. On relève que cette dernière est un sujet de mécontentement.

1 W 1855

Le point de vue des combattants sur l’épuration

Dans son édition du 10 au 17 janvier 1945, Forces françaises, l’organe des Forces françaises de l’ouest, s’étonne de la place occupée par l’épuration dans la presse. Un « châtiment exemplaire pour les traîtres » est jugé nécessaire par ces combattants des poches de l’Atlantique (les anciens maquisards de la brigade Rac), mais ces derniers rappellent que la priorité est de vaincre et chasser l’armée allemande. Ils regrettent par ailleurs que l’épuration revête un caractère vengeur au moment où l’unité de la nation paraît indispensable à la reconstruction de la France. Cet éditorial semble être une réponse aux articles des Voies nouvelles, et particulièrement à celui du 29 novembre 1944 (voir plus haut).

219 PRE 1

Le mécontentement atteint son paroxysme au printemps et à l’été 1945 en Dordogne, théâtre d’attentats par explosifs. Maintenu jusqu’alors, l’ordre républicain est menacé : les autorités réagissent alors avec détermination dès le mois d’août 1945 (La restauration de l’ordre républicain à l’été 1945 : exposition virtuelle à venir).

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