L'invisible travail des femmes
L'invisible travail des femmes
On parle de la vaillance et du courage que les militaires déploient pour conquérir une ville fortifiée. Ce n’est rien, en comparaison du courage et de la vaillance que les femmes ont à déployer pour se faire leur place dans les métiers que les hommes ont fait leurs.
Hubertine Auclert, La Citoyenne, 13 février 1887.
En 1821 en France, trois millions de femmes sont des paysannes. Cent ans plus tard, elles sont encore 2,5 millions. En Dordogne également, le travail de la terre est le lot de nombreuses femmes. Pourtant, les archives ne font guère apparaître individuellement les femmes de ces milieux ruraux : elles sont fondues dans la famille.
Invisibles ?
Les dénombrements de population, statistiques de la population active, tardent à reconnaître le travail des femmes dans l’agriculture. Le premier recensement intégrant des renseignements sur la profession, en 1851, la relève pour chaque individu, homme ou femme. Mais les recensements suivants ne notent que la profession du chef de famille, sans distinction pour sa femme, ses enfants ou leurs domestiques et employés…
Enfin reconnues
Durant la Première Guerre mondiale, l’absence des hommes mobilisés contraint beaucoup de femmes à prendre les rênes des exploitations agricoles. Ce rôle, essentiel, est reconnu lors de la création des Chambres d’agriculture en 1924. En 1925, les femmes chefs d’exploitation sont électrices au même titre que les hommes.
🔈 Jacqueline Chapoul : le statut de la femme dans le monde agricole
Jacqueline Chapoul, aujourd’hui retraitée, a exercé la fonction de responsable syndicale CGT à la Mutualité sociale agricole de Périgueux. Elle témoigne de la difficulté pour les femmes d’obtenir la reconnaissance juridique de leur travail dans l’exploitation familiale. En effet, jusqu’à la loi d’orientation agricole de 1980 (qui crée le statut de co-exploitante), elles étaient maintenues dans un statut de dépendance vis-à-vis de leurs maris, sans reconnaissance de leur activité professionnelle. La loi d’orientation agricole de 1999 institue le statut de « conjoint collaborateur » qui marque un réel progrès, notamment en matière de protection sociale des agricultrices.
Gaveuse d'oie. 8 Fi 069
Au quotidien, pourtant, les femmes sont indispensables, cumulant tâches ménagères (chercher l’eau, préparer le feu ou les repas…) et agricoles (préparation de la terre, entretien du potager et du poulailler…). Cette vie dure et monotone a aussi ses petits plaisirs dans la sociabilité, comme au lavoir ou au marché.
Absentes des Archives
Le travail quotidien de la femme paysanne est largement ignoré des archives publiques. Cartes postales et photographies mettent en scène le travail des femmes dans des représentations convenues. La réalité quotidienne est plus difficile à saisir, et la description faite par Ida Masset, institutrice, semble bien idyllique.
« La parfaite ménagère agricole vend le plus possible de denrées et en achète le moins qu’elle peut. Elle reste fidèle à la cuisine du pays, nourrit sa maisonnée avec une abondante simplicité des légumes et des fruits du jardin, des oeufs et de la volaille de la basse-cour. On boit du cidre ou le vin qu’on récolte, on cuit son pain autant que possible, il est plus nourrissant. La vente de l’excédent des petits produits de toutes sortes sert à payer les menues dépenses de chaque jour : savon, pétrole, sucre, café. »
Vocation
Interrogée sur le choix d’une profession, sur les 15 élèves filles de cultivateurs d’Ida Masset, une seule souhaite devenir agricultrice ; les autres souhaitent devenir repasseuses (3), couturières (5) ou modistes (6).
Bal champêtre. Nouvelles Galeries Giraudel-Mareille, Bergerac. 8 FI 15_0071