Femmes hors normes

Femmes hors normes

« La femme est vouée à l’immoralité parce que la morale consiste pour elle à incarner une inhumaine entité : la femme forte, la mère admirable, l’honnête femme etc. »

Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, 1949

Prises dans le regard des hommes et de la société de leur époque, les femmes, garantes et dépositaires de principes moraux édictés par les lois et la religion, se voient attribuer des qualités et des vertus dont elles doivent se montrer dignes dans la sphère privée, leur domaine réservé. Dans l’espace public en revanche, d’autres modèles de femmes apparaissent, exceptions que l’on se plaît à montrer du doigt pour mieux rappeler les règles.


"Le plus vieux métier du monde"

Au XIXe siècle et jusque vers 1950, bien que condamnée par la morale, la prostitution féminine est considérée comme un "mal nécessaire". Tolérance, contrôle et surveillance inspirent arrêtés municipaux et notes préfectorales, qui stigmatisent ces femmes en ignorant leurs clients, à peine désignés. Les archives judiciaires sont des sources précieuses pour saisir la volonté des pouvoirs publics de réprimer ce fléau. Depuis la fermeture des maisons closes en 1946 grâce à l’action de Marthe Richard, la loi ne cesse d’intervenir dans le champ de la prostitution, avec pour finalité son abolition.

Non-lieu en faveur d’Annette Filhol, accusée d’avoir cherché à prostituer sa propre fille, 26 avril 1845. 5 U 100 1 2
Non-lieu en faveur d’Annette Filhol, accusée d’avoir cherché à prostituer sa propre fille, 26 avril 1845. 5 U 100

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Qui ? Police, l’hebdomadaire des faits divers, n°56, 17 juillet 1947. 5 U 100

Eugène Atget La Villette, fille publique faisant le quart, 1921

Rapport biennal sur la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui pour la ville de Périgueux, 9 janvier 1959

Le commissaire de police de Périgueux signale la « difficulté d’atteindre les personnes qui reçoivent directement des clients à leur domicile ». 1 W 3399

📺 Prostituée, le plus vieux métier du monde ? (une vidéo des Revues du Monde) 

Portrait de George de Peyrebrune

George de Peyrebrune (1841-1917)

Née de père inconnu, après "dix années de claustration conjugale", elle s’installe à Paris où elle fait ses premiers pas dans le monde littéraire parisien. Elle fait paraître des nouvelles puis plusieurs romans dans de grands journaux de la capitale. Romancière reconnue, convaincue qu’il est impératif de créer des structures par et pour les femmes, elle est l’une des fondatrices du Prix Femina. Républicaine engagée, très cultivée, grande lectrice, intéressée par la philosophie et la peinture, attirée par les idées maçonniques, elle est une authentique intellectuelle indignée par les injustices sociales qu’elle dénonce au fil de ses romans.

Femmes écrivains du Périgord, affiche d’exposition, 1980. 11 Fi 72


Portrait de Rachilde. 8 Fi portraits 119

Rachilde (1860-1953)

Marguerite Eymery monte très tôt à Paris pour fuir le carcan familial. Sous le pseudonyme de Rachilde, elle acquiert la notoriété avec des romans sulfureux pour son époque. Épouse d’Alfred Vallette, directeur du Mercure de France, elle réunit tous les mardis, dans son salon, les "plumes" qui comptent ou qui espèrent compter. Ses critiques littéraires au Mercure ont valeur de verdict.

Barbey d’Aurevilly cité par Rachilde dans une lettre non datée. J 1203

"Une femme de lettre est un monstre, mais si vous voulez apprendre à écrire, vous serez un beau monstre car vous avez l’ingénuité de votre insolence."


Jane Poupelet sculptant un masque pour une "gueule cassée", v. 1920

Vous pouvez visionner un film de 1918, montrant le travail de Anna Coleman Ladd et Jane Poupelet.

Jane Poupelet (1874-1932)

Jane Poupelet a sa place aux côtés d’autres femmes artistes, en particulier de Camille Claudel à qui elle ressemble par sa grande indépendance et sa force de caractère. Première femme admise à l’École des beaux-arts et des arts décoratifs de Bordeaux, elle rencontre le sculpteur Lucien Schnegg en 1900 et intègre la "bande à Schnegg", dont elle est la seule femme. Elle fréquente les cercles autour de Bourdelle et de Rodin, côtoie aussi des artistes américaines et les groupes féministes anglo-saxons. En 1909, malgré la misogynie ambiante, elle est admise à la Société nationale des Beaux arts. Son action durant la Grande Guerre lui vaut la Légion d’honneur en 1928.

La baigneuse de Jane Poupelet. MAAP, B.2168

Artistes rebelles et excentriques

Si les femmes de lettres sont relativement acceptées par la société à la fin du XIXe siècle, les disciplines artistiques académiques sont plus lentes à faire une place aux femmes. Compositrices, peintres et sculptrices font longtemps figure d’exception.

Nita Corelli (1904-1990) Ecrivaine, poétesse et chanteuse. 11 Fi 148
Nita Corelli (1904-1990) Ecrivaine, poétesse et chanteuse. 11 Fi 148

Les nouvelles saltimbanques

Au XIXe siècle, les arts du spectacle connaissent un succès croissant. Actrices et comédiennes symbolisent le divertissement, la réussite et une certaine forme de liberté qui échappe à l’ordre établi. Le culte de la vedette est né.

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Femme à l’accordéon. 17 Fi 131/3

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Joséphine Baker. Dessin offert aux Archives départementales par Jean-Claude Baker, 1992

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