Les forges d'Ans retenues pour le loto du patrimoine
retour sur la "Route des canons"
Les hauts fourneaux de la forge d’Ans comptent parmi les cent sites (un par département) retenus pour le Loto du patrimoine. C’est l’occasion de revenir sur l’histoire de ces « routes des canons » qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, acheminaient, en Limousin Périgord et Angoumois, les canons pour l’arsenal de Rochefort. Une industrie à la campagne qui allait avoir, pendant plusieurs décennies, un impact sur le territoire.
Car il a fallu aménager des cours d’eau pour faire tourner les moulins et les forges, exploiter les forêts pour les bois de construction et la fabrication du charbon, créer ou améliorer des chemins pour le transport jusqu’aux ports de rivière d’où les canons étaient acheminés par couraux sur la Vézère puis la Dordogne au sud, sur la Charente au Nord. La Vézère a dû être rendue navigable depuis les ports de Peyzac-Le-Moustier ou Saint-Léon-sur-Vézère jusqu’à l’embouchure de l’estuaire, et des chemins de halage la bordait pour permettre de tirer les bateaux. Ces diverses réalisations ont durablement marqué les paysages, comme en témoignent aujourd’hui les monuments (hauts-fourneaux, moulins, châteaux et demeures de maîtres de forge…) ou les noms des lieux-dits (Forgeneuve, Forge d’Ans…)
Les commandes royales étant destinées à équiper la flotte du Ponant, les opérations maritimes au Nouveau Monde (guerres et lutte contre la piraterie) vont susciter une demande croissante de matériel militaire. Elles feront, ou vont accroitre, la fortune de certaines familles (Hautefort, Auberoche, Abzac, Arlot, Segonzac entre autres). Le marquis François d’Hautefort, qui faisait déjà produire des canons à Auberoche par le fondeur François Lalande, dont il payait le loyer de la forge, avait le projet de posséder sa propre forge. Elle sera construite en 1691 à la Boissière-d’Ans et François d’Hautefort délaissera peu à peu Auberoche pour la Forge d’Ans, d’où la « route des canons » partira désormais pour rejoindre le port du Moustier. En 1692, un tiers des canons produits en France proviennent des forges d’Ans et Auberoche, soit 200 sur 600. Bertrand d’Hautefort n’aura pas le même succès que son père dans la gestion de la forge dont l’activité va décroitre au siècle suivant.
Après la Révolution, la Convention confisque certains biens possédés par des nobles émigrés, puis le Comité de Salut Public réquisitionne des forges pour les besoins des Armées de la République. Les forges d’Ans dont le ministre Bertin qui les avaient acquises en 1771 avait fait une industrie prospère, sont revendues le 2 décembre 1791 par la marquise de Taillefer (née d’Arlot de la Roque) au fermier Festugière, qui exploitait ces forges depuis quelques années. L’activité se développe, Festugière construit ou acquiert de nouvelles forges, il embauche également. Le jeune Thomas-Robert Bugeaud y travaille quelques temps en 1803, mais Jean Festugière lui conseille plutôt une carrière militaire, à raison car le jeune homme sera Maréchal de France. En 1811, la forge d’Ans est la plus importante du département
Jean Festugière décède en 1829 et transmet l’activité à ses deux fils, Adrien et Eugène. Mais l’Europe s’industrialise et la concurrence est de plus en plus forte. La forge d’Ans est vendue en 1862. En 1858 Georges Festugière, fils d’Eugène, participe à la fondation de la forge de Brousseval en Haute Marne, qui perpétuera l’activité sidérurgique de la famille.