Un sceau dans le temps (exposition)

Un sceau dans le temps

(pré)histoire du sceau

Le principe de marquer sa présence, et de s’approprier un objet ou un lieu par la même occasion, existe certainement depuis des millénaires, et revêt bien des formes (peintures préhistoriques, graffitis sur les arbres, céramiques…). 

Graffiti arbre.
Graffiti arbre.

© Image de wirestock sur Freepik

Fragment d’ocre gravé, Blombos (Afrique du Sud). Vers -73 000.
Fragment d’ocre gravé, Blombos (Afrique du Sud). Vers -73 000.

© Chrishopher Henshilwood, licence Creative Commons.


Élan aux bois, grotte de Lascaux. Vers -18 000.
© Codex, licence Creative Commons.

Le sceau existe depuis la plus haute Antiquité ; il la précède même, puisque les plus anciennes traces actuellement connues ont été trouvées en Asie mineure et datent du VIIe millénaire av J.-C. Ces marques imprimées en creux et répétant le même motif pouvaient à la fois attester de l’identité de la personne ayant apposé la marque et garantir la fermeture de la jarre ou du contenant sur lequel elle était inscrite. Sur le site de Çatal Hoyuk en Turquie a été récemment mis au jour un petit tampon/sceau en terre cuite, qui aurait pu avoir cet emploi. Mais on retrouve également cet usage sur des peintures égyptiennes, notamment celles ornant la tombe de Parennefer.

Timbre-sceau, CatalHoyuk. Vers -6000 -5500. Ankara, Musée des civilisations anatoliennes.
Timbre-sceau, CatalHoyuk. Vers -6000 -5500. Ankara, Musée des civilisations anatoliennes.

© Zde, Créative Commons.


Bouchon de jarre, Baouit (Égypte). 7e-9e siècle.
© Musée du Louvre / Georges Poncet.

Le sceau s’associe à l’écrit

Cependant c’est en Mésopotamie où étaient utilisés, comme en Asie Mineure, des cachets en terre cuite, que l’usage du sceau associé à l’écriture se généralise. La matrice est cylindrique et elle est appliquée sur des tablettes d’argile. Ce sceau-cylindre est alors plus une signature qu’un mode de scellement et sa fonction est essentiellement administrative. Son usage s’étend à l’Égypte qui, comme la Mésopotamie, continue cependant d’utiliser des cachets. Ces sceaux-estampilles se diffusent largement et ne sont pas réservés à une élite. À partir du VIe siècle av. J.-C. le cachet retrouve un usage dominant, principalement dû au changement de support d’écriture : le papyrus, puis le parchemin, tendent à remplacer les tablettes d’argile. Plus petit, plus pratique, le cachet peut être utilisé comme un bijou, porté en pendentif, attaché à la ceinture ou même, dès le IIe millénaire av. J.-C., monté en anneau sigillaire.

C’est sous cette forme que le sceau sera utilisé à Rome.

Sceau cylindre, Mésopotamie. Vers -2250 / -2000
Sceau cylindre, Mésopotamie. Vers -2250 / -2000

Musée du Louvre, département des antiquités Orientales (AO 4699 ; CCO A. 191).
© Musée du Louvre / Chipault – Soligny

Scarabée cachet, Homs (Syrie). Vers -1 700 / - 1550
Scarabée cachet, Homs (Syrie). Vers -1 700 / - 1550

Musée du Louvre, département des antiquités Orientales (AO 4531 ; CCO A. 1083).
© Musée du Louvre / Antiquités orientales

Sceau à anneau ; sceau de la nécropole
Sceau à anneau ; sceau de la nécropole

© Musée du Louvre, département des antiquités égyptiennes.
© Musée du Louvre / Christian Décamps

Chevalière à chaton creusé, -664 / -525 (XXVIe dynastie)
Chevalière à chaton creusé, -664 / -525 (XXVIe dynastie)

Musée du Louvre, département des antiquités égyptiennes.
© Musée du Louvre / Christian Décamps

Bague. Époque gallo-romaine.
© Musée Vesunna / Bernard Dupuy

L’antiquité Gallo-romaine

Gagnée par les modes hellénistiques, l’aristocratie romaine adopte et diffuse l’usage des anneaux sigillaires. À l’origine importées du Proche-Orient, les intailles sont ensuite fabriquées par les artisans locaux qui signent leur précieuse production : les gravures sont réalisées, pour l’aristocratie, dans du jaspe, de l’améthyste, de l’émeraude… Mais on trouve également, chez les plus modestes, des anneaux sigillaires en matériaux moins noble comme la pâte de verre ou le métal.

Peu à peu, avec l’essor du christianisme, l’iconographie évolue et les symboles chrétiens (chrisme, poissons…) remplacent les dieux et symboles gréco-romains. Ces anneaux sigillaires, principalement utilisés dans un cadre privé, sont toutefois aussi employés de manière plus administrative. A la fin du Ve siècle, leur emploi est diffusé à travers tout l’empire. Les premiers rois francs en perpétueront l’usage.

Intaille – bague. Période hellénistique (200 avant J.-C.)
Intaille – bague. Période hellénistique (200 avant J.-C.)

© Musée du Louvre / Philippe Fuzeau

Bague à intaille. Fin 2e siècle / 3e siècle
Bague à intaille. Fin 2e siècle / 3e siècle

© Musée Vésunna / Bernard Dupuy

Le Moyen-Âge d’or du sceau

Charlemagne, empereur d’Occident (742-814). Huile sur toile de Amiel Louis-Félix (1802-1864).
© RMN-Grand Palais, Château de Versailles

Le haut Moyen-Âge : les mérovingiens et leurs sceaux chevelus

Les rois mérovingiens accordaient une importance particulière à la chevelure. Signe de pouvoir ou de puissance – étaient-ils particulièrement sensibles à l’histoire de Samson ? – ils se représentaient sur les pièces, comme sur les sceaux, en mettant en avant cet orgueil capillaire.

Cependant, si certains travaux du XIXe siècle mentionnaient la présence de cheveux, fibres ou poils de barbe dans la cire du sceau, aucune observation directe n’avait pu être faite. À l’occasion de la restauration de deux sceaux mérovingiens aux Archives nationales, celui de Childebert III sur un document du 14 mars 697, et celui de Chilpéric II sur un document du 5 mars 716, des fibres ont pu être observées durant l’analyse. Considérées en premier lieu comme les traces d’une technique de consolidation des sceaux, une étude plus poussée a permis de montrer qu’il s’agissait en fait de cheveux ou de poils humains. Cependant s’il est admis que ces cheveux et poils ont été inclus dans la cire volontairement, on en ignore encore la raison : renforcement physique ou symbolique du sceau, matérialisation de la présence du sigillant… ?

  • Mèche de cheveux dans le sceau de Carloman, frère de Charlemagne, 769 (K 5, n° 11/1) ; 
  • Cheveux inclus dans un sceau de Childebert III, 694 (K 3, n° 12/1) ; 
  • Fibres végétales (chanvre ?) dans un sceau de Louis le Pieux, 822 (K 9, n° 8/1). 

© Archives nationales


La diffusion d’une pratique royale

Si le haut Moyen Âge a perpétué la tradition de l’usage du sceau, son développement à partir du XIe siècle a été assez considérable. La pratique de scellage des actes, qui était une prérogative régalienne, réservée à la chancellerie royale, se diffuse peu à peu. Cette diffusion se fait à la fois sur un plan hiérarchique et géographique : les chancelleries du haut clergé rhénan sont les premières à imiter le pouvoir royal, puis petit à petit cet usage est observé dans les rangs de plus en plus modestes du clergé ; et cette pratique de scellage suit un axe nord-sud. L’archevêque de Reims Gui 1er scelle à partir de 1040 et à sa suite Laon, Cambrai. Cette chronologie est, dans le Sud, plus tardive. Quelques évêques méridionaux avaient cependant scellé dans la deuxième moitié du XIe siècle : ceux d’Oloron et Die en 1081 celui de Valence en 1082. Cette nouvelle coutume fut, pour ces évêques, l'occasion d'affirmer leur pouvoir, récemment renforcé par la réforme grégorienne : Amat d'Oloron, archevêque de Bordeaux, fut légat du Pape Urbain II, de même que Hugues de Die ; Gontard de Valence fut longtemps archevêque de Vienne pendant la vacance du siège.

Gui Ier, archevêque de Reims, en 1053. Moulage, AN – St 7997.
Gui Ier, archevêque de Reims, en 1053. Moulage, AN – St 7997.

© Christophe Jobard

Et le Périgord ?

Le premier évêque du Périgord dont on peut légitimement supposer qu’il a utilisé un sceau est Raynaud de Thiviers, en 1101. La Collection Périgord de la Bibliothèque nationale conserve des copies de chartes qui nous éclairent sur cette pratique. Comme il ne s’agit que de copies, nous ne pouvons pas y voir de sceaux appendus, mais seulement leur annonce. C’est ainsi qu’à la fin d’une charte du 27 décembre 1101 apparaît cette première mention de l’usage d’un sceau par un évêque périgourdin. L’annonce du scellage est formulée ainsi : (...) proprio sigillo hanc cartam corroboro (...) trad. : « Je confirme cette charte avec mon propre sceau ».

Cette innovation, tout au moins pour la région, sera adoptée par la plupart des évêques périgourdins à sa suite. Car en Aquitaine, aux XIe et XIIe siècles, une autre pratique de validation était alors très répandue : celle de la nodatio (ou des nodatores). La parole engagée était attestée par un nœud fait à une courroie de cuir ou une bande de parchemin, passée au bas de l'acte. Cet usage a pu conduire à certaines confusions amenant à penser qu'un sceau était appendu à ces courroies de cuir. Sceau et nodatio étaient cependant annoncés différemment et, lorsque la pratique du scellage fut adoptée, l'annonce du sceau entraînait automatiquement la disparition de celle de la nodatio.

Raynaud de Thiviers. Copie d’une charte de Rainaud de Thiviers, concernant la donation de plusieurs églises à l’abbaye de Charroux. 1 3
Raynaud de Thiviers. Copie d’une charte de Rainaud de Thiviers, concernant la donation de plusieurs églises à l’abbaye de Charroux.

Fonds Périgord de la Bibliothèque nationale, tome 30, folio 170.

Raynaud de Thiviers. Copie d’une charte de Rainaud de Thiviers, concernant la donation de plusieurs églises à l’abbaye de Charroux. 2 3
Raynaud de Thiviers. Copie d’une charte de Rainaud de Thiviers, concernant la donation de plusieurs églises à l’abbaye de Charroux.

Fonds Périgord de la Bibliothèque nationale, tome 30, folio 170.

Chartes et documents pouvant servir à l'histoire de l'abbaye de Charroux 3 3
Chartes et documents pouvant servir à l'histoire de l'abbaye de Charroux

dom Pierre Goislard de Monsabert, dans Archives Historiques du Poitou, XXXIX, 1910, n° XXIV, p. 126-127.

Sceau de l’évêque Geoffroy de Cauze, 1144.
Sceau de l’évêque Geoffroy de Cauze, 1144.

© Bibliothèque Nationale de France, Bourgogne vol. 80 n°42, B 971.
http://www.sigilla.org/moulage/bourgogne-971-10282

Le premier sceau périgourdin dont une empreinte est conservée est cependant plus tardif. Il date de 1144, c’est celui de l’évêque Geoffroy de Cauze. Il a le même aspect que le sceau de l’archevêque de Reims : l’empreinte est ronde, le personnage est debout, de face, et fait un geste de bénédiction de la main droite, Gui 1er semble tenir un livre et Geoffroy tient sa crosse.

Des formes, des matières, des couleurs…

Il ne s’agit pas d’une introduction à la Fashion week mais plutôt d’une illustration de la diversité d’aspect des sceaux durant tout le Moyen Âge.

Des formes

Le sceau est une galette, le plus souvent en cire, mais elle peut avoir plusieurs formes. La plus répandue est ronde. Les armoiries étant très souvent figurées sur les sceaux, on trouve également beaucoup de sceau en écu.

Sceau en écu de Pierre de Salas, 1294. Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1850/164-2.

Une autre forme particulière est plutôt employée par les femmes et par les membres du clergé : la forme en navette. Cette forme en ballon-de-rugby-un-peu-pointu-aux-extrémités rappelle la mandorle chrétienne et revêt plusieurs symboles :

  • elle est issue du croisement de deux cercles. La personne s’y trouvant représentée est donc à l’intersection de deux « mondes » (spirituel et temporel pour le clergé séculier, terrestre/humain et céleste/divin pour le Christ),
  • elle rappelle la forme de l’amande qui est la coque contenant le fruit, comme la femme portant la vie ou la Vierge portant Jésus.

Sceau en navette de Guillaume de la Tour. Archives départementales de la Dordogne, E 284.

Voir d'autres exemples 

Christ en majesté, tympan de Sainte Foy de Conques.
© Titanet sous licence creative commons.

Plus originale encore : la forme carrée. On la trouve sur un sceau naval de la ville de Dunwich, en Angleterre. L’image est assez classique et représente un bateau, inspiré des navires normands, mais elle s’inscrit dans un sceau carré, posé sur la pointe.

Sceau de la ville de DUNWICH datant du 13e siècle et conservé aux Archives Nationales. (13e, XIIIe s.)
© Priam4, licence creative commons


Sceau, revers, contre-sceau, matrice 

Lorsque les sceaux sont bifaces, avec une empreinte des deux côtés, on appelle sceau l’empreinte principale. Si l’empreinte sur le dos est de la même taille elle est nommée revers ; si elle est plus petite on parle de contre-sceau. La matrice quant à elle est l’objet qui permet d’apposer l’empreinte.

Sceau du Puy-Saint-Front, 1240-1286
Sceau du Puy-Saint-Front, 1240-1286

Archives départementales de la Dordogne, AA 32-1.

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Revers du sceau du Puy-Saint-Front
Revers du sceau du Puy-Saint-Front
Sceau du comte Archambaud V, 1368
Sceau du comte Archambaud V, 1368

Archives départementales de la Dordogne, 32 H 4.

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Contre-sceau du comte Archambaud V
Contre-sceau du comte Archambaud V
Matrice de sceau de l’abbaye de Tourtoirac, XIIIe-XIVe siècle
Matrice de sceau de l’abbaye de Tourtoirac, XIIIe-XIVe siècle

Archives départementales de la Dordogne, NC.

Datant du XIIIe ou XIVe siècle, cette matrice de forme ogivale (58x23 mm) montre deux personnages entourés de la légende : S. CONVENTVS MONASTERII TUSTURIACN. 

Mentionnée par Philippe de Bosredon dans la Sigillographie du Périgord, elle a été découverte à Nailhac lors d’une fouille occasionnée par la construction du nouveau presbytère*.

*Renseignements aimablement fournis par M. Chaput-Vigouroux.

La bulle d'or de 1356 de l'empereur Charles IV du Saint-Empire et de la Reichstag sur les règles de succession impériale
La bulle d'or de 1356 de l'empereur Charles IV du Saint-Empire et de la Reichstag sur les règles de succession impériale

Des matières

On a vu, dans les premiers temps, des empreintes réalisées sur de l’argile, mais également sur de la cire ou du métal. Plus malléable, personnalisable puisqu’on peut la teinter, la cire va être plus généralement utilisée ; et comme il s’agit de cire d’abeille, on peut s’en procurer facilement. On distingue parfois cire jaune et cire blanche, mais leur seule différence réside en ce que la cire blanche a été exposée au soleil avant d’être employée, alors que la cire jaune en a été protégée.

Le métal a également été utilisé durant l’Antiquité, et son usage se perpétue dans l’empire romain d’Orient mais devient réservé à une élite. Les papes, certains empereurs ou rois occidentaux, imitent cette pratique. On appelle bulle ces empreintes en métal. Le plomb est couramment utilisé, l’or (chrysobulles) plus exceptionnellement, et l’argent (argyrobulles) encore plus rarement. Dans l’empire d’Orient où, comme ailleurs, les bulles d’or sont constituées de deux feuilles estampées, le poids de métal utilisé suivait une règle diplomatique. Le roi d’Espagne fait exception et scelle d’une bulle en or massif au poids impressionnant de 820gr.

Le plomb est quant à lui utilisé par la chancellerie pontificale. Les premières utilisations attestées remontent au début du VIIe siècle. Dès le VIIIe siècle apparaît un modèle qui va se fixer au cours du XIe : la face du sceau présente les têtes de Saint Pierre et Saint Paul, le nom du pape (et son numéro d’ordre) est inscrit au revers.

Bulle du pape Paul III, 1535
Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1834/6-12
Voir les bulles en plomb 

Ne pas oublier le pain (à cacheter). Un pain sans levain a remplacé parfois la cire à partir du XVIe siècle. Utilisé en sceau plaqué, placé sous le papier, on ne conserve que peu d’exemplaires de ces sceaux-hostie bien que leur usage ait été fréquent au XVIIIe siècle.

Pain à cacheter
© Delcampe.net

Des couleurs

À l’origine neutre et naturelle, la cire a pu être teintée de différentes couleurs. Blanche en premier lieu, puis rouge, jaune, verte... à partir du XIIe siècle, alors que l’usage du sceau se généralise. Dans le cas de la chancellerie royale, une particularité, qui devient habitude et qui évolue en règle : l’utilisation de sceaux de cire verte pour les actes perpétuels, appendus à des lacs de soie rouge et verte.

Les actes temporaires étaient quant à eux scellés de cire jaune sur simple ou double queux de parchemin.

Cette pratique avait l’avantage de permettre de distinguer rapidement la nature de l’acte et son importance.

Sceau du pariage de St-Front de Périgueux
Sceau du pariage de St-Front de Périgueux

Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1850/163-2.

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Sceau de Laure Flamenc, dame de Bruzac, 1402
Sceau de Laure Flamenc, dame de Bruzac, 1402

Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1328/5.

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Sceau de François 1er, roi de France, 1515
Sceau de François 1er, roi de France, 1515

Archives départementales de la Dordogne, AA 15/5.

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Sceau de Jean de l’Oratoire, 1303
Sceau de Jean de l’Oratoire, 1303

Archives départementales de la Dordogne, CC 1/2.

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Les attaches

Au-delà de la fonction de signature qui l’associe au sigillant, Le sceau est également intimement lié au document. C’est d’ailleurs sa présence, et normalement son bon état de conservation, qui en garantit le contenu. Ainsi, une empreinte endommagée ou disparue peut invalider le texte ou remettre en question son authenticité. Divers modes d’attache peuvent unir le sceau au document auquel il est le plus souvent plaqué ou appendu.

Le sceau plaqué peut être appliqué ou rivé au document. Dans le premier cas il est collé, en placard ; dans le second une incision est faite qui, en plus d’assurer une meilleure tenue, permet l’application d’un contre-sceau au revers du document. Ce mode d’attache est celui qui a le plus perduré, malgré l’apparition au XIe siècle du sceau pendant.

Voir quelques exemples… 


« Sceau du pêcheur » du pape Clément XI, 1711-1713.
Archives départementales de la Dordogne, 112 H 1


Les sceaux appendus sont attachés au document par divers types de liens : cordes de chanvre ou de lin, courroie de cuir, parchemin… Vous pouvez en découvrir la variété dans la rubrique « mode d’attache » de la base de donnée numérique des sceaux.

Qu’il soit plaqué ou appendu, le sceau garanti également la fermeture du document. Pour avoir un accès total ou partiel au document, il faut parfois briser le sceau ou rompre les attaches.

Les types de sceau

Sceau de majesté
Sceau de majesté

C’est le type du sceau royal. Son appellation fait référence au Christ en majesté que l’on trouve sur les tympans des églises médiévales. Il apparaît pour la première fois, en 998, sur le sceau d’Otton II qui fera référence et marque la confusion du pouvoir spirituel et temporel. Les souverains européens, mais également des comtes ou des ducs, adopteront ce type. Dans le cas du roi de France, il y aura durant tout le Moyen Âge, et même après, très peu de variation. Le roi couronné est assis sur un trône en X, dont les accoudoirs sont ornés de têtes de lions. Il tient un sceptre et, selon les époques, une virga (on préfère représenter un roi sans épée, en l’associant plutôt à la fécondité qu’à la justice), une fleur de lis, ou la main de justice. Ses pieds reposent sur un coussin, matérialisant plus la supériorité symbolique qui le fait roi qu’un confort personnel et, le plaçant au-dessus, renforce l’image d’intermédiaire entre le temporel et le spirituel.

Sceau de François 1er, roi de France, 1515.
Archives départementales de la Dordogne, 74 J 9.
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Tympan central du portail royal de la cathédrale de Chartres, 1145-1150
Tympan central du portail royal de la cathédrale de Chartres, 1145-1150

© Eusebius sous licence Creative Commons.

Sceau équestre
Sceau équestre

Comme son appellation le laisse entendre le sigillant y est représenté à cheval. Il est le plus souvent guerrier et montre le personnage tenant dans une main une arme (épée, lance…) et dans l’autre son bouclier. Il peut aussi être cynégétique et présenter un homme, ou une femme, dans un contexte de chasse. La présence des armoiries sur les sceaux équestres a été d’un apport considérable pour l’héraldique médiévale.

Sceau de Louis Stanislas Xavier, duc d'Anjou, grand maître de l'Ordre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel et de Saint-Lazare-de-Jérusalem, 1784.
Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1841/30-7.
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Sceau armorial
Sceau armorial

À la différence du sceau armorié, dans lequel un blason apparaît comme secondaire, dans le sceau armorial il est l’élément principal, souvent unique. Il est le type de sceau le plus couramment utilisé car il permet le réemploi d’une marque d’identification, le blason, sur une autre marque aussi couramment usitée.

Sceau de Raymond Ais, damoiseau de Bruzac.
Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1328_1
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Sceau en pied
Sceau en pied

Le personnage, féminin ou masculin, y est représenté debout tenant parfois en main certains attributs (crosse d’abbé, bible, faucon ou épervier…) Les sceaux de ce type sont souvent en navette.

Sceau de Raymond d’Auberoche, évêque de Périgueux, 1286.
Archives départementales de la Dordogne, 4 E 126/3.
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Sceau topographique
Sceau topographique

Principalement utilisé par des personnes morales, il présente un lieu, un monument (église, rempart, pont…), un bateau. Ces figures évoquent ou témoignent d’un intérêt géographique, topographique ou de l’activité du sigillant (pour une corporation par exemple). La ville de Périgueux présente ainsi une tour ou une porte de ses remparts.

Sceau de la ville de Périgueux, 1426.
Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1850/177-43.
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Sceau de la ville de Meulan, moulage, 1195
Sceau de la ville de Meulan, moulage, 1195

La tête dans le sceau ?

Les sceaux médiévaux montrent assez rarement des portraits. L’image représente plus la fonction du sigillant (son rôle, la place qu’il tient, ses armoiries, le fruit de son travail), que sa représentation physique fidèle. Les sceaux de majesté ou les bulles papales sont très codifiés, et sur les sceaux équestres le heaume dissimule le visage. Cependant, même s’il est assez rare d’y voir un portrait ressemblant, la tentation de se représenter est aussi forte hier qu’aujourd’hui. On peut voir sur le sceau de la ville de Meulan les « portraits » de douze échevins. Ceux-ci ont des types physiques très distincts (cheveux courts ou longs, barbus ou glabres, plus ou moins âgés…) qui évoquent un portrait de groupe.

Je suis une légende...

Puisque l’image représentée sur le champ du sceau ne permet pas d’identifier le sigillant, c’est à la légende qu’il revient d’en donner l’identité, la fonction ou le statut et, conséquemment, d’en garantir la valeur juridique (comme notre signature actuelle). Rédigée en latin, on trouve couramment en début de légende, souvent marqué par une croisette ☩, le terme sigillum ou son abréviation en S’. Puis suit la formule donnant le nom et parfois le statut : roi, comte, dame… Le principe est quasiment le même pour tous : ☩ sceau de – le nom – la fonction/le statut. Pour les personnes morales (ville, corporation, officialité…), la légende reste inchangée quelle que soit la personne physique qui en a la charge.

Concernant les rois de France, la formule se fixe sous le règne de Henri 1er (1031-1060), et pour six siècles : le nom du roi en latin suivi de DEI GRACIA FRANCORUM REX. L’espace souvent restreint de la légende entraine l'utilisation d’abréviations. En 1617, Louis XIII introduit l’usage du français, qui devient la norme : … PAR LA GRACE DE DIEU ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE

Sceau de Louis XI, roi de France, 1469
Sceau de Louis XI, roi de France, 1469

Légende : LVDOVICVS DEI GRACIA FRANCORV[M RE]X

Archives départementales de la Dordogne. 2 E 1851/68-1.
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Sceau d’Archambaud III, comte de Périgord, 1294
Sceau d’Archambaud III, comte de Périgord, 1294

Légende : S'COMITIS PET/RAGORICENCUS

Archives départementales de la Dordogne. 2 E 1379/3.
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Le chant du signe

Au nom de tous les seings

Le notaire est la personne investie par une autorité (impériale, royale, ecclésiastique…) pour la rédaction et/ou la validation d’actes qui acquièrent ainsi une valeur juridique ou probatoire. L’importance accordée à l’écrit par l’administration carolingienne s’accompagne de la nécessité de contrôler et de garantir les textes et leur application. Les actes ou leurs copies doivent être validés par la souscription du notaire ainsi que par son signum manuale apposé au bas du document. En 1304, une ordonnance de Philippe le Bel oblige les notaires à déposer l’original de ces seings manuels afin de garantir leur authenticité pour tout le royaume. Dans le Sud de la France, pays plus traditionnellement de droit écrit, ce seing seul suffit alors qu’il doit, dans le Nord, être accompagné du sceau de juridiction appliqué par le notaire royal. L’importance accrue de l’administration, la nécessité de la reconnaissance des actes, des contrats… entraîne, plus particulièrement dans le Sud, le développement du notariat et conséquemment, du signum manuale dont on peut noter la grande diversité dans les régions méridionales.

Seing manuel de Bertrand de Cuelha, 1413
Seing manuel de Bertrand de Cuelha, 1413

Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1822/47-10.

Seing manuel de Stephano de Foresta, 1489
Seing manuel de Stephano de Foresta, 1489

Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1812/372-1.

Du seing manuel à la signature

Si le seing manuel trouve son origine dans le notariat toulousain à la fin du XIIIe siècle, le monogramme royal comme signe de validation existe depuis les mérovingiens et s’impose aux temps carolingiens, mais reste associé à la pratique de scellage. Parallèlement se développe, pour le souverain, l’usage du signet et du sceau du secret : à côté du grand sceau, protocolaire et peut-être plus impersonnel, apparaissent des modes de validation ou d’authentification plus rattachés à l’individu qu’à la fonction. Le signet est considéré comme plus personnel et intime, le sceau du secret ayant à la fois un caractère officiel et personnel. Les premières traces d’une signature royale remontent au règne de Jean Le Bon (1350-1364), qui est également le premier roi de France dont on a un portrait. Ces deux signes qui montrent le roi en tant qu’individu peuvent être rapprochés : la signature, tout comme le portrait, est plus une affirmation de l’incarnation physique d’un souverain que de son rôle symbolique. Avec Jean Le Bon et surtout avec son fils Jean de Berry, dont on a trace de ses essais en marge d’un manuscrit, la signature fait du souverain une personne.

Rendue nécessaire par une extension de l’usage de l’écrit, la pratique de la lecture et de l’écriture se diffuse et, à partir du XVe siècle, nobles, gens de guerre, signent de plus en plus couramment.

Lettre du roi Jean le Bon, 1361
Lettre du roi Jean le Bon, 1361

Archives nationales J 641-13-6. Domaine public.

Signatures Jean du Berry en marge d’un manuscrit, Petrus Lombardus, Commentarius in Psalmos, f. 289.
Signatures Jean du Berry en marge d’un manuscrit, Petrus Lombardus, Commentarius in Psalmos, f. 289.

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. Latin 448


Portrait de Jean le Bon (XIVe siècle), Musée du Louvre,
© Ellicrum sous licence creative commons.

La fin du sceau ?

A partir du XIIe siècle, l’utilisation du sceau avait conduit à un certain déclin de la souscription mais, à la fin du Moyen Âge, c’est la signature qui va peu à peu finir par s’imposer comme acte de validation. Plus personnelle, témoin visible d’une connaissance de l’écriture, plus pratique car ne nécessitant pas de matériel particulier, elle a des atouts certains. Son adoption par les souverains, les princes… dont les signatures deviennent sources d’inspiration relayées par les chancelleries, favorisent sa diffusion. Son statut suit cette évolution : signe de validation interne mineur, puis associée au sceau comme garant supplémentaire, elle finit par suffire à l’authentification des actes.

Le sceau garde toutefois son caractère protocolaire : au XIXe siècle des diplômes de francs-maçons sont scellés, et le sceau royal est encore appendu aux documents officiels. De nos jours, le ministre de la Justice a pour titre « garde des sceaux », et le sceau de la République est apposé à chaque modification de la Constitution.

Sceaux des loges maçonniques

Testament de Louis XIV, avec sa signature
Testament de Louis XIV, avec sa signature

Archives Nationales de France, domaine public.

Sceau de Louis-Philippe, roi des Français
Sceau de Louis-Philippe, roi des Français

Archives départementales de la Dordogne, 2 E 1261.

Matrice du grand sceau de la République. © Ibex sous licence Creative commons.

Le grand sceau de la République

Le sceau qui est utilisé actuellement est l’œuvre de Jean-Jacques Barré. Créé sous la deuxième république, le décret du 18 septembre 1848 donne pour indications au graveur : « …le sceau de l’État portera, d’un côté, pour type, la figure de la Liberté, et pour légende, au nom du peuple français ; de l’autre côté, une couronne de chêne et d’olivier, liée par une gerbe de blé ; au milieu de la couronne, République française, démocratique, une et indivisible, et pour légende, liberté, égalité, fraternité. » Le sceau présente donc la Liberté, dont la tête est couronnée de de lauriers et auréolée de lumière, assise et tenant un faisceau de licteur, symbole de la République, dans sa main droite. À ses pieds plusieurs symboles évoquent l’agriculture et l’industrie (la gerbe de blé, la charrue et la roue dentée placée derrière) ou les arts (un chapiteau pour l’architecture, une palette de peintre, un parchemin pour la littérature, la lampe à huile pour les Lumières). Sa main gauche est appuyée sur un gouvernail, rappelant le gouvernement, avec à sa gauche une urne marquée S.U. (l’urne du suffrage universel) et à sa droite des feuilles de chênes (arbre de la sagesse et de la justice). Sur le gouvernail est apposé un coq avec la patte sur un globe. Le sceau a pour légende : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉMOCRATIQUE UNE ET INDIVISIBLE.

Le revers montre une couronne composée d’une grappe de raisin, d’épis de blé, de rameaux de chênes et d’olivier (arbre de la paix), entourant l’inscription « AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ». La légende est la devise de la République : LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ. Les trois mots sont séparés par des étoiles disposées en triangle équilatéral, symbole d’égalité.

Sceau de la république et revers, moulage.

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