Lettre d’Anne de Perrot, femme du poète Pierre de Brach, à une de ses cousines, où elle évoque sa grossesse.
2 E 1850/51, p. 33
« Vous avés eu plus de peur que je vous blasmasse comme paresseuse, madamoyselle ma cousine, que je n’en ay pas eu d’envie. Je ne vous ay eue jamais qu’en toute bonne reputation. Je n’ay douté ny de vostre diligence ny de votre amitié ; et s’il y a de la nonchalance en vostre maison, je suis toute certaine qu’elle est toute en mon bon cousin, qui est, a mon avis, negligent assés pour toute une famille et plus, si je ne me trompe, que monsieur de Brach, que vous faites si paresseux. Vous de votre part vous n’estes point telle, je le sçay bien. Les fautes que vous dites avoir faites a cause de vostre negligence sont bien petites. Il vous est bien aise de vous
en decharger et plus a mon opinion qu’il ne vous a pas esté de vostre ventre, chose a la verité merveilleuse, car les fautes vous partoient de paresse et le ventre, comme je pense, d’une trop grande diligence. S’il est ainsi je m’en remets a vous. De ma part, j’ay bien une semblable tumeur de ventre ; mais je ne sçauroi bonnement dire si je l’ay prise pour avoir esté trop paresseuse ou trop diligente. Car j’ay (je le confesse) esté paresseuse a detourner les causes de cette maladie ; mais aussy puis-je bien assurer que je ne l’ay pas prinse pour trop dormir. Quoy que soit je voudroi de bon cœur qu’elle fust purgee comme la vostre car en ce temps contagieux, toutes tumeurs sont dangereuses. Au reste, puisque ce maudit temps nous tien icy si seulets, je suis tres aise, croyés m’en quand nous entendons des nouvelles de nos bons parens et amis et vous prie croire que je voudroi estre en ces quartiers pour pouvoir vous voir et vous faire quelque service ; ce que je fairoi d’aussy bon cœur que je vous baize bien humblement les mains, vous souhaitant tout bien et felicité.
J’ay gardé ce coin icy pour y baizer les mains a ma grosse cousine votre fille, comme je fay aussy a monsieur mon cousin son pere.
Vostre plus affectionnee cousine a vous aire tres humble service
Anne de Perrot
[Au dos] A madamoyselle ma cousine, madamoyselle de Maquenan, à Sallegourde »
[d’une autre main] Lettre de mademoiselle de Brach