Périgord, terre de sport

PÉRIGORD, TERRE DE SPORT

Dans l'arène :

Si les activités sportives ont existé de tout temps et pour toutes les classes sociales, la pratique moderne, tout comme le mot sport, nous viennent de l’Angleterre du début de l’ère industrielle. Cependant, même s’il est inexact de considérer les jeux du cirque comme une activité sportive alors qu’il s’agit plutôt d’un spectacle et de combats, quand il est question de patrimoine du sport en Périgord, il est difficile de ne pas évoquer l’amphithéâtre de Périgueux. Sa construction pourrait avoir commencé durant les règnes de Claude (41-54) ou de Néron (54-68). L’amphithéâtre avait une capacité d’environ 18 000 spectateurs (à titre de comparaison : 24 000 pour les arènes de Nîmes et 50 000 pour le Colisée). Après avoir été intégré à la muraille d’enceinte de la Cité, au IVe siècle, le comte de Périgord y installe une tour fortifiée et fait creuser un fossé. C’est aujourd’hui un jardin public et des jeux, plus calmes, y ont retrouvé leur place.

Coupe et vue intérieure des arènes de Périgueux. Bardon (?), d'après Beaumesnil, 1763-1772. AD 24, Ms 29
Coupe et vue intérieure des arènes de Périgueux. Bardon (?), d'après Beaumesnil, 1763-1772. AD 24, Ms 29

"Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le comédien Pierre de Beaumesnil prend des notes et dessine les antiquités qu’il rencontre lors de ses tournées... "

E. Penisson, Du crayon à la 3D... Dessiner les grands monuments de la ville antique de Périgueux. Catalogue d'exposition Dessiner le patrimoine. Archives départementales de la Dordogne, 2018, p. 21.

Vue de l'élévation des arènes de Périgueux. Bardon (?), d'après Beaumesnil, 1763-1772. AD 24, Ms 29
Vue de l'élévation des arènes de Périgueux. Bardon (?), d'après Beaumesnil, 1763-1772. AD 24, Ms 29

"...De ses passages à Périgueux il adresse deux rapports à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, l’un pour ses séjours en 1763 et 1772, l’autre pour 1783. L’amphithéâtre y fait l’objet de quatre planches : une vue cavalière qui montre l’ensemble des vestiges, un plan simplifié, et deux restitutions de l’élévation, intérieure et extérieure."

E. Penisson, Du crayon à la 3D..., p.21

Antiquités de Vésone, H. Wlgrin de Taillefer, t. I, Périgueux, 1821
Antiquités de Vésone, H. Wlgrin de Taillefer, t. I, Périgueux, 1821

Antiquités de Vésone, H. Wlgrin de Taillefer, t. I, Périgueux, 1821
Antiquités de Vésone, H. Wlgrin de Taillefer, t. I, Périgueux, 1821

"Suite aux fouilles de la Tour de Vésone, Wlgrin de Taillefer organise, de mars à juin 1821, une série de sept fouilles sur l’amphithéâtre. Les résultats sont publiés dans le détail en 1826, mais les deux planches d’illustration ne lui conviennent pas. Le plan coupe réalisé par M. Vicat est inexact. La perspective cavalière dessinée par Bardon fils comporte des erreurs dans la localisation des vestiges."

E. Penisson, Du crayon à la 3D... p. 23.

Joseph de Mourcin. Plan relevé de l'amphithéâtre, encre et aquarelle, 1821. AD 24, 2 J 1300
Joseph de Mourcin. Plan relevé de l'amphithéâtre, encre et aquarelle, 1821. AD 24, 2 J 1300

"Le plan-relevé réalisé par Joseph de Mourcin, co-directeur des fouilles, devient donc le complément indispensable de la publication. On y localise plus aisément les opérations menées en 1821, mais aussi les constructions modernes : l’église et le couvent de la Visitation dans la zone sud, un pigeonnier dans la zone nord."

E. Penisson, Du crayon à la 3D... p. 23.

Le jeu de paume :

Très pratiqué sous l’Ancien Régime, le jeu de paume, mentionné par saint Augustin dans ses Confessions, existe au moins depuis l’Antiquité tardive. Il consiste à envoyer à l’adversaire une balle en tissu, appelée éteuf, avec la paume de la main. Afin de protéger la main, un gant de cuir est parfois utilisé, ou une raquette en bois appelée « battoir ». Au début du XVIe siècle, l’usage d’une raquette cordée de chanvre ou de boyau est introduit, mais on continue, plus rarement, de jouer à main nue, gantée ou avec un battoir.

En raison de son succès et de la durée de sa pratique, le jeu de paume a laissé beaucoup d’expressions qui ont cours encore aujourd’hui.

Fac-similé d’une estampe de la bibliothèque nationale de France (BNF), du XIVe siècle. — La Vie au grand air, 12 janvier 1902, p.27, Domaine public, Wikimedia commons
Fac-similé d’une estampe de la bibliothèque nationale de France (BNF), du XIVe siècle. — La Vie au grand air, 12 janvier 1902, p.27, Domaine public, Wikimedia commons

Les règles du jeu sont établies à Paris en 1592. Certaines seront reprise par le tennis, descendant du jeu de paume (le mot « tennis » dérive de « tenez » prononcé par le joueur qui fait le service). Le comptage de points se fait ainsi en 15, 30, 40. Cependant, à la différence du tennis, la balle peut, dans certaines conditions, faire deux rebonds. On dit alors que la balle fait chasse. Un repère est mis à l’emplacement du second rebond et le point est alors mis en suspens. Il sera remis en jeu lorsque les joueurs changent de camp. Si le joueur ayant fait chasse envoie sa balle au-delà du repère il gagne le point en suspens, s’il fait faute il donne le point à l’adversaire.

Le vray pourtraict de Périgueux. La Cosmographie universelle de tout le monde..., François de Belleforest. AD 24, 1FI1_24322_01
Le vray pourtraict de Périgueux. La Cosmographie universelle de tout le monde..., François de Belleforest. AD 24, 1FI1_24322_01

Ce jeu était à l’origine pratiqué en plein air mais des salles sont construites à partir du XVIe siècle. La plupart des villes possédaient au moins une salle de jeu de paume. Les grandes villes en avaient plusieurs dizaines, et Paris en comptait 250. Celle de Périgueux se trouvait rue des Places. Elle est représentée sur Le Vray pourtaict de la ville de Périgueux dessiné par François de Belleforest en 1575.

Carreau de courte paume. Sandrine80, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Carreau de courte paume. Sandrine80, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Le court fait entre 30 et 33 mètres de long sur 11 à 12 de large et 8 mètres de haut au minimum. Une galerie de 1,80 mètres de large longe trois côtés du terrain, et seul le grand mur reste lisse. Un filet, qui n’est pas tendu et mesure 91 cm au centre et 1,60 m sur les bords, sépare la surface de jeu appelée le carreau en deux parties : le côté du dedans qui est la surface où l’on sert, et le côté du devers qui est la partie qui reçoit le service.

« Afferme du jeu de paume du sieur Laborie à Egret et Graniou, conjoints, 9 février 1605 ». Minutes du notaire Maigne. (3 E 1402)
« Afferme du jeu de paume du sieur Laborie à Egret et Graniou, conjoints, 9 février 1605 ». Minutes du notaire Maigne. (3 E 1402)

Ces salles sont gérées par des exploitants qui en font une entreprise très rentable, également pour le propriétaire de la salle : pour celle de Périgueux le locataire Jehan Egret paie au propriétaire Laborie la somme de 360 livres pour 5 ans. Les balles, raquettes, tenues, sont fournies par le tenancier. Il assure aussi un bon repas, souvent bien arrosé. Les frais sont réglés par les gagnants, avec une partie de la somme remportée dans les paris.

Fouille de la cour du Grand Commun du château de Versailles (Yvelines), 2007. © Denis Gliksman, Inrap
Fouille de la cour du Grand Commun du château de Versailles (Yvelines), 2007. © Denis Gliksman, Inrap

Même s’il a fait quelques victimes dont le roi Louis X le Hutin qui, après avoir bu du vin glacé après une partie trop échauffée, est pris de malaise et décède quelques jours après, ou le frère de Michel de Montaigne, Arnaud, qui meurt d’un coup reçu au jeu de paume, il reste le sport le plus pratiqué en France entre le XIIIe et le XVIIIe siècles.

Cette fouille du château de Versailles a révélé le jeu de paume et le pavillon d'habitation du maître paumier, construits sur ordre de Louis XIII aux alentours de 1630.

Archéologie d’un jeu de paume : les dessous du Grand Commun du... - Inrap (images-archeologie.fr)


Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers... par une Société de gens de lettres. Mis en ordre et publié par M. Diderot ; et quant à la partie mathématique par M. d' Alembert.


Du sport loisir au sport moderne :

À l'aube de l'ère industrielle, les activités de plein air comme le tir, la chasse, la pêche, le golf étaient appelées sport. En ancien français, « desporter » signifiait « se divertir », « s’amuser » ; le mot « desport » a évolué en « disport », puis en « sport ». Il sera repris en France et désignera au XIXe siècle le même type de passe-temps aristocratiques, où courses de chevaux et parties de chasse tenaient une bonne place. Cet engouement pour le sport et les raids hippiques, traversant la Manche, va unir les deux pratiques, et l’on voit les premiers coureurs à pied courir en tenue de jockey. Le sport se démocratise également avec la diminution du temps de travail ; l’usage de la bicyclette qui devient peu à peu abordable et le premier Tour de France en 1903 favorise son essor. La Première Guerre mondiale va contribuer au développement de pratiques sportives collectives, comme le football ou le rugby. La victoire et la mise en exergue des valeurs d’effort, de courage et de jeunesse, participent également à cet essor des sociétés sportives des années 1920. 

Concours hippique de Puyraseau, le jeudi 29 janvier 1885, aquarelle de Jules de Verneilh. (53 Fi 04)
Concours hippique de Puyraseau, le jeudi 29 janvier 1885, aquarelle de Jules de Verneilh. (53 Fi 04)
Dessin accompagnant une demande d’autorisation de bains et école de natation au moulin du Rousseau, 1860-1877. (3 S 250)
Dessin accompagnant une demande d’autorisation de bains et école de natation au moulin du Rousseau, 1860-1877. (3 S 250)
Affiche de la XXIe fête fédérale, Union des sociétés de gymnastique de France, Périgueux 2 et 3 juin 1895. (11 Fi 171)
Affiche de la XXIe fête fédérale, Union des sociétés de gymnastique de France, Périgueux 2 et 3 juin 1895. (11 Fi 171)

Un changement s’opère à partir de 1870 lorsque le sport est, à la suite de la défaite contre la Prusse, associé à la préparation militaire pour les classes populaires. L’éducation physique est introduite dans l’enseignement devenu obligatoire, et les élèves pratiquent le tir et la gymnastique :

« Nos lycéens seront amenés à comprendre, ce que trop peu comprennent à ce jour, que, dans un pays où chaque citoyen est appelé à faire soldat, la culture et le développement des forces et des aptitudes physiques n’est pas chose facultative, mais un devoir positif » (Circulaire ministérielle du 7 juillet 1890).


Le racing-club au bois de Boulogne. Dessin de M. Reichan. Le Monde illustré, Juillet 1887. © BnF Gallica

Pour la patrie !

Cette affiche réalisée par E. François, professeur de dessin au lycée de Périgueux, témoigne du caractère militaire et revanchard de l’éducation sportive au lycée, suite à la défaite de la guerre de 1870. Le texte du bas de page renforce encore cette impression.

Une médaille représentant Metz et Strasbourg, cédées en 1871 à l’Allemagne avec l’Alsace et la Moselle, est posée sur un socle surmonté d’une aigle bicéphale, symbole du Saint-Empire romain germanique, dont une tête tient un drap découvrant la médaille, et l’autre une chaîne de prisonnier. À côté du socle, un tambour percé, une épée brisée et un canon dont la roue est cassée, rappellent la déroute française. Mais le chardon, emblème de la Lorraine dont la devise est « qui s’y frotte s’y pique », est également « …symbole de la défense périphérique, de la protection du cœur, contre les assauts pernicieux du dehors* ». Cette idée de protection, de résistance, est accentuée par le lion de Belfort, que l’on retrouve devant le socle et qui semble veiller, prêt à récupérer ces territoires conquis.

*(Chevalier Jean, Gheerbrant Alain, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont, 2019, p. 243)

Affiche de la VIe fête annuelle d'exercices physiques, 15 mai 1898.
Affiche de la VIe fête annuelle d'exercices physiques, 15 mai 1898.

AD 24, 175 J 9


Affiche pour le championnat de tir des écoles primaires, école de Cherveix-Cubas, 1929.
Affiche pour le championnat de tir des écoles primaires, école de Cherveix-Cubas, 1929.

AD 24, E dep 1814-31

La Guerre avait également permis la rencontre et la camaraderie sur le front. Des compétitions pouvaient avoir lieu, des sports d’équipe, comme le football et le rugby, favorisaient la cohésion de groupe. Le sport restait, même après le conflit, une activité propice à une forme de préparation militaire : « Le club des Merles Blancs (1925) se fixe comme objectif « la préparation militaire et l’éducation physique par l’exercice du football association ». L’article 1 des statuts du Rugby Club Mussidanais (1926) précise : « Dans l’intérêt supérieur de la République Française, la société a pour but de préparer les jeunes gens au service militaire ». Le Club Sportif Bel Air (1927) veut par la pratique du rugby « préparer au pays des hommes robustes ». La référence à la préparation militaire devient donc assez nettement académique. Point de doute qu’elle relève du discours de dirigeants et n’a guère à voir avec les préoccupations des pratiquants. » (GARRIGOU Alain, « la naissance du mouvement associatif sportif sous la IIIe République en Dordogne », dans ARNAUD P. et CAMY J., La naissance du mouvement associatif sportif en France, Presses universitaires de Lyon, 1986, p. 250.)

Terre de sport des Trente Glorieuses

Après la Seconde Guerre mondiale, le sport français peine à se reconstruire mais retrouve peu à peu une certaine activité. La très mauvaise performance de la France aux Jeux olympiques de Rome en 1960, mais également le désœuvrement d’une génération particulièrement jeune issue du baby-boom, vont convaincre le général de Gaulle de la nécessité d’une reprise en main. Il nomme Maurice Herzog d’abord haut-commissaire, puis secrétaire d’État à la jeunesse et aux sports : il met en place entre 1958 et 1965 un ambitieux programme dans lequel la jeunesse est relativement prioritaire. Chaque établissement scolaire doit intégrer des installations sportives d’intérieur et d’extérieur, les centres de loisirs, de vacances ou de plein air sont aussi subventionnés. Les disciplines sportives sont de plus en plus variées, voire exotiques. Au-delà du football et du rugby qui sont devenus traditionnels, du cyclisme qui poursuit son ascension, on pratique le waterpolo, la plongée, le basket ball, le motocross… On peut, en Périgord, retrouver cette pratique, tout comme ces nouveaux équipements sur les photographies présentées.

Rencontre de sport scolaire, 1966. Fonds Lagrange, 52 Fi 2304.

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